BALI : LA FIN DU REVE
Dreamland doit son nom aux premiers surfeurs australiens. Aujourd'hui, il ne signifie plus grand chose. Certains l'ont déjà rebaptisé « New Kuta Beach » avec ses 400 hectares de béton aux alentours. Et Uluwatu n'est plus épargnée. Alors Bali, c'est fini ?
Cela fait une éternité qu'on l'entend partout autour de nous. Bali a changé, Bali n'est plus celle des années 70's, Bali n'est plus cet écrin de plénitude, ce joyau des îles… C'est vrai mais malgré tout, il restait encore quelques coins tranquilles dans les années 90's. Dreamland faisait partie de ceux-là. Quelques warungs sur la plage où l'on pouvait dormir sur un matelas de fortune sans déranger, des vagues de rêve et juste quelques potes autour d'un bon barbecue. Si ce n'était pas le paradis, ça y ressemblait fortement…
Le cauchemar de Dreamland
Et puis un jour, PT. Bali Pecatu Graha, une société détenue majoritairement par Suharto, est devenue propriétaire d'une terre de 400 ha autour du spot. Objectif : créer un gigantesque resort, le Pecatu Indah. C'était en 1995. Trois ans plus tard, les infrastructures routières sont posées, le terrain de golf se termine et le système d'irrigation est prêt. Mais là, coup de théâtre, la crise financière asiatique stoppe tout. C'est ainsi, que tous, nous avons pu bénéficier d'une route goudronnée pour atteindre Dreamland !? On se doutait bien que tout cela ne s'arrêterait pas comma ça. C'est ainsi qu'à partir de 2004, les investisseurs sont revenus…
Pour beaucoup de surfeurs et voyageurs du monde entier, Dreamland tenait une place spéciale dans leurs cœurs. C'est vrai aussi que les warungs, les chaises longues et leur flot d'italiens étaient devenus trop envahissants. Mais ce n'était rien comparé au chantier de travaux publics actuel ! On assiste impuissants à une lente destruction de la péninsule de Bukit. Rien que sur Dreamland, ce sont cinq complexes hôteliers qui vont voir le jour, dont le C151 déjà bien implanté (Voir photos et site Internet www.c151dreamland.com) mais aussi 2000 maisons, une école internationale et un hôpital, des centres commerciaux. Tout cela bien sûr pour contenter les messieurs aux portefeuilles bien fournis. Inutile de rêver du C151, il vous en coûtera 10,000 $ la nuit…
Bien sûr, inutile également de préciser que le warungs sont en voie de disparition et seront remplacés par un restaurant imposant. Tous les propriétaires locaux sont priés de rejoindre leur nouveau petit shop en béton, mis à disposition « gracieusement » par Pecatu Indah Resort. Mais la plupart s'inquiètent déjà de leur avenir : « Je ne crois pas que ce sera bon pour le business et j'ai peur que les touristes ne viennent plus à Dreamland » (source The Time).
Uluwatu, une bataille à mort
La terre de rêve se transforme donc plutôt en terre de cauchemar. Et la destruction de Bukit s'étend maintenant jusqu'à Uluwatu… Des hôtels et villas sont construits illégalement sur des zones protégées, les hauteurs réglementaires ne sont pas prises en compte, des temples religieux sont démolis… Il est bien loin le temps où l'architecture balinaise se devait d'être respecté ! Aujourd'hui, avocats et notaires locaux se battent pour obtenir des autorisations pour les étrangers désireux de bâtir des resorts et d'en être les propriétaires, alors même que la loi indonésienne interdit l'achat de terres aux étrangers !
Personne n'a l'air de se soucier des générations futures de balinais qui devront faire face au boom des prix des terres et au manque d'eau. Bali, de plus en plus peuplée, mais sans eau ? Pourtant des lois existent, mais personne n'est préparé à les faire respecter. Pour preuve, la situation actuelle près d'Uluwatu est carrément explosive !
De nombreuses villas ont été érigées à proximité du temple d'Uluwatu. Or une loi de 2005 interdit toute construction dans un rayon de 5 km, appelé « Zone sacrée ». Le gouverneur de la Province de Bali, Made Beratha, est donc intervenu pour rappeler que les propriétaires étaient passibles de 6 mois de prison et d'une amende de 50 millions de RP (environ 3500 €). Des villas pourraient être détruites si elles n'ont pas de permis.
Le responsable local des affaires religieuses a lui aussi insisté en demandant la démolition des buildings de Puri Bali et Blue Point Villa (à moins de 2 km du temple). D'après lui, il s'agit de protéger la « pureté de Bali », c'est « une bataille à mort ».
Mais les officiels de la petite région de Badung cherchent un compromis et mettent en avant des arguments terribles : si la loi est respectée, de nombreux balinais verront eux aussi leurs habitations démolies. Les millionnaires jouent sur la corde sensible. Le responsable local se bat aussi pour faire changer la loi et réduire le périmètre à 1km ! Une manifestation a même été organisée jeudi dernier par 150 propriétaires voulant augmenter leur emprise sur le littoral balinais…
La question est donc de savoir vers quoi Bali veut orienter son développement. Et surtout qui a vraiment le pouvoir sur cette île de l'Asie du sud-est ? En tout cas, l'âme de Bali s'éloigne petit à petit. Et les sessions du film Morning of the Earth semblent déjà bien loin…